Le coaching interculturel, entre posture et imposture OU Le coach universel existe-t-il ?
Une analyse de l’utilité du coach en contexte interculturel à la lumière du constructivisme social
Maroussia Chanut
Pauline Fatien Diochon
Christophe Falcoz
Entre posture et imposture OU Le coach universel existe-t-il ?
Une analyse de la pertinence de l’intervention de coaching en contexte interculturel à la lumière du constructivisme social
« À qui n’y est pas né, n’y a pas grandi, n’y a pas été éduqué et instruit, un résidu où se trouve l’essence la plus intime de la culture restera toujours inaccessible, même si l’on a maîtrisé la langue et tous les autres moyens extérieurs de l’approcher. Car les cultures sont par nature incommensurables. »
Claude Lévi-Strauss
L’Autre face de la lune : écrits sur le Japon,
Paris, Seuil, 2011. Recueil posthume
Depuis la fin des années 1980, un nombre croissant d’organisations à travers le monde semble recourir au coaching(Segers, Vloeberghs, Henderickx, et Inceoglu, 2011) pour accompagner leurs managers et équipes dans leurs problématiques professionnelles de changement. Cette forme d’accompagnement a émergé en occident et a été créée par des occidentaux et majoritairement pour des occidentaux, puis s’est progressivement diffusée dans d’autres environnements culturels. Ainsi aujourd’hui, des coachs français exercent en Chine auprès de clients américains. Une situation professionnelle interculturelle émerge alors dans laquelle les acteurs n’ont pas la même culture. Différentes cultures, donc différentes connaissances et appréhensions du monde si l’on suit Berger et Luckmann (1966) et leur théorie de la construction sociale de la réalité. En effet, pour ces deux auteurs, notre appréhension du monde est liée à la connaissance que nous en avons et qui s’est construite au cours de notre interaction avec les institutions primaires et secondaires de socialisationspécifiques à notre environnement. Elles modèlent nos représentations du monde si bien que nos modes de raisonnement, nos schémas cognitifs et nos comportements sont influencés par elles et sont représentatifs de l’environnement dans lequel nous avons grandi. La théorie de Berger et Luckmann tend alors à présumer que le coach non local (non originaire du pays dans lequel il travaille) et non semblable (ayant une culture différente du coaché) pourra difficilement être utile à un expatrié dans la mesure où ilva fonctionner à partir de modes de raisonnement propres à sa culture nationale. D’une part, coach et coaché ne pourront pas se comprendre puisque leurs représentations du monde sont différentes, et d’autre part le coach court le risque de transférer des schémas typiques de sa propre culture. Se pose alors la problématique de la nationalité du coach et des expériences qu’il a du pays d’accueil, qui peuvent lui permettre ou non d’exercer un coaching performant. Dans cette recherche, nous explorons la question suivante : dans quelle mesure un coach, compte tenu de sa représentation sociale de la réalité, peut-il agir utilement dans un contexte interculturel ?Nous serons conduits à nous demander si le coaching en situation interculturelle est voué à l’échec du fait des biais culturels du coach. Ou peut-être que l’expérience du pays d’accueil, assimilable à une nouvelle influence institutionnelle, modère le poids de la culture originelle du coach et peut l’inciter à modifier sa pratique ? A moins que le coaching universel n’existe et ne soit influencé d’aucune manière par la nationalité des coachs et coaché ?
Dans une première partie, nous mobilisons la littérature du constructivisme social et du coaching interculturel pour étudier l’influence de la situation interculturelle sur la pratique de coaching. Dans une deuxième partie, nous présentons les résultats de notre recherche qualitative par entretien auprès de onze coachs expatrié-e-s coachant des clients expatriés en poste. Nous avons choisi d’étudier deux marqueurs d’une éventuelle spécificité du coaching en situation interculturelle : la dénomination que les coachs donnent de leurs pratiques et l’existence d’outils de coaching adaptés à cette situation spécifique au sein de leurs dispositifs d’accompagnement.Dans une troisième partie, nous analysons la diversité des postures des coachs en situation interculturelle et proposons des pistes de formation alliant constructivisme social et situation interculturelle.
- Le coaching modelé par la situation interculturelle ?
Si l’on suit la théorie de la construction sociale de la réalité développée par Berger et Luckmann (1966), on peut dire que la situation interculturelle donne lieu à un choc de cultures, dans le sens d’une confrontation de personnes détentrices d’appréhensions différentes de la réalité, élaborées lors du processus de socialisation.
1.1 La situation interculturelle, une confrontation de plusieurs réalités
La théorie de la construction sociale de la réalité (Berger et Luckmann, 1966) appartient aux approches dites du constructivisme social, qui avec d’autres auteurs comme Goffman (1959) ou Garfinkel (1967) postulent que notre connaissance du monde est fondamentalement située spatialement et temporellement. Spatialement, car au travers de nos interactions avec les autres, dans un contexte particulier, nous avons testé, négocié la signification que nous attribuons aux choses, à notre environnement. Temporellement, car au bout d’un moment, cette réalité nous devient familière, non problématique. Elle est objectivée et devient évidente ; on la prend pour acquise. C’est alors que nous développons des routines, qui nous permettent d’agir naturellement, instinctivement dans une réalité quotidienne alors familière. Cette réalité est perçue comme acquise et paraît évidente jusque survienne un problème qui n’entre pas dans le schéma familier. En effet, tant que notre connaissance nous permet d’évoluer de manière satisfaisante dans le monde, nous ne la questionnons pas.Cette approche dynamique de la connaissance et de la réalité est à contraster avec les perspectives classiques plus statiques, que nous proposons d’appeler ici technicistes, reposant sur une vision objective de la réalité et un mode d’apprentissage essentiellement cognitif.
Tableau 1 : Comparaison des approches et actions sur la réalité selon les perspectives technicistes de la réalité et le constructivisme social
Perspectives technicistes de la réalité | Constructivisme social | |
Réalité sociale |
Objective « La réalité est là » |
Construite « La réalité se construit au travers de nos interactions quotidiennes avec elle » |
Mode de Connaissance/Apprentissage |
Statique. Activité cognitive et désincarnée, intellectuelle Tête, corps et cœur séparés |
Dynamique. Activité physique, incarnée, de l’intérieur, tacite |
Modalités d’action sur le monde |
On peut appliquer des savoirs pour faire changer les gens et les situations Des techniques et modèles peuvent être utilisés pour faire coïncider les buts individuels avec les objectifs organisationnels d’efficacité et de performance |
On doit questionner nos présupposés, nos représentations du monde pour explorer des alternatives |
Traduit et réalisé à partir de Cunliff (2004)
Pour Berger et Luckmann, nous ne naissons pas membre d’une société. Nous avons certes des prédispositions à la sociabilité, mais nous devenons membre d’une société en l’internalisant, au travers des institutions primaires (famille, école, religion) et souvent secondaires (communautés, associations culturelles, sportives etc) de socialisation qui vont légitimer nos connaissances.La connaissance d’une réalité est donc formatée par l’expérience que nous en avons et l’opportunité que nous avons eu d’expérimenter son sens, au travers non seulement des interactions avec les autres, mais au travers du langage qui constitue un vecteur spécifique d’appréhension du monde.Dans cette perspective, un individu ne devient donc membre d’une société particulière qu’en ayant expérimenté, vécu la construction de la connaissance qu’il en a. Se pose alors la question (que Berger et Luckmann ne traitent pas dans leur ouvrage de 1966) de la capacité d’un étranger à devenir membre de cette société, sans avoir participé à la constitution du stock commun de connaissances. Pour le coaching, cela pose donc la question de la pertinence d’un accompagnement pour aider un individu à s’intégrer dans un nouvel environnement culturel. Dans la mesure où la connaissance d’une réalité est dépendante de son appréhension, physique, interactionnelle et langagière, le client coaché restera-t-il toujours fondamentalement un étranger dans la mesure où il n’aura pas participé à la construction du savoir de cette société ? Se pose aussi la question des biais culturels avec lesquels le coach risque d’opérer dans son accompagnement. Comment le coach peut-il accompagner utilement un client dans un contexte interculturel ? Il risque de projeter ses propres visions du monde, en décalage avec celle du coaché et celle du contexte dans lequel le coaché veut s’intégrer. Il en résulte un double écart : une distance culturelle entre le coach et le coaché, une distance culturelle entre le coach et la culture dans lequel il aide son coaché à intégrer. En raison de la spécificité de cette situation interculturelle où se mélangent au moins trois cultures nationales (celle du coach, celle du coaché et celle du pays d’accueil), les coachs semblent justifier la nécessité de proposer un type particulier d’accompagnement : le coaching interculturel. Les coachs ne vont pas dire que la situation interculturelle empêche une potentielle intervention mais qu’elle va justifier, souvent, le recours à une approche spécifique. Nous analysons ci-dessous les spécificités professées de cette pratique d’accompagnement en situation interculturelle.
1.2. Le coaching interculturel : des dénominations instables, une spécificité affirmée pour accompagner en situation interculturelle
1.2.1. La spécificité professée du coaching interculturel
Le coaching interculturel est présenté comme un domaine spécifique du coaching (Hicks et Peterson, 1999 ; Rosinski, 2003), pratique d’accompagnement professionnel qui s’est diffusée dans les organisations, d’abord occidentales, à partir des années 1980. Aujourd’hui, environ 43 000 coachs professionnels exerceraient dans le monde, majoritairement en Europe, Amérique du Nord et Australie (Bresser Consulting, 2009). Le coaching semble un phénomène majoritairement anglo-saxon, puisque les coachs sont les plus présents aux Etats-Unis (10 000 coachs), au Royaume-Uni (7 500), en Australie (2000). Ils exercent aussi en Allemagne (5000), au Japon (2000), au Canada, en Afrique du Sud, en France, au Brésil et en Italie (1000). Ensemble, ces pays représentent 73 % de la profession, pour seulement 13 % de la population mondiale. On note donc une très inégale répartition des praticiens dans le monde, majoritairement concentrés dans les pays dits ‘développés’ et occidentaux. Cependant, la pratique gagne du terrain en Amérique du Sud et en Asie, zones pour lesquelles se pose alors la question de l’adaptation de cette pratique aux cultures locales (Nangalia et Nangalia, 2010).
Le coaching dans son acception classique est présenté comme une solution personnalisée pour accompagner des individus ou des équipes pour faire face à des situations variées, qui ont cependant en commun la problématique du changement (Alexandre, 2003 ; Carey, Philippon et Cummings, 2011). Les situations incluent alors la prise de responsabilités, le développement de compétences managériales, la préparation d’un événement important, la réorientation de carrière, la reconversion (Cloet, 2007). A connotation ici positives, ces situations peuvent aussi être perçues davantage de l’ordre de la remédiation (dernière solution avant la mise à l’écart ou le licenciement) ou du soutien en période difficile (prise de poste à forts enjeux de responsabilité, retour après une absence prolongée, par exemple)(Kampa-Kokech et Anderson, 2001).
Les coachs s’appuient sur des approches théoriques multiples (psychodynamique, cognitivo-comportementale, Gestalt, centrée solution, psychologie positive…), renvoyant à des modèles (narratif, transpersonnel, ontologique, existentiel…) et outils variés (analyse transactionnelle, gestalt, PNL…) (Cox, Bachkirova et Clutterbuck, 2010). Cette diversité, voire hétérogénéité (Fatien, 2008), est peut-être une condition pour appréhender les individus dans leurs différents contextes (en équipe, entre pairs, dans des situations interculturelles, en transition professionnelle…).
Dans ce panorama, le coaching interculturel se présenterait comme un champ spécifique de la pratique (Peterson, 2007). Comme son nom l’indique, c’est un accompagnement qui se situe à la croisée des cultures. En anglais, on retrouve indifféremment une variété d’appellations pour décrire cette spécialité : « intercultural coaching », « global coaching » (Rosinski, 2008), « cross-cultural coaching », ou encore « multi-cultural coaching » (Abbott, 2009). Aucun auteur ne semble s’être attelé à l’explicitation de ces différents termes et à ce qu’ils engendrent. Rosinski (2003, p.353) définit le coaching interculturel en 2003 comme une « version plus large du coaching monoculturel classique qui s’efforce de déployer davantage de potentiel humain afin de favoriser un succès global en tirant pleinement parti des différentes visions du monde et en considérant les différences culturelles comme une source d’enrichissement ».
Le coaching interculturel serait donc une forme exacerbée du coaching, car il s’inscrit dans un contexte qui est plus complexe et plus varié. Cette pratique axée sur les situations interculturelles aurait émergé en raison des mouvements de globalisation et de la complexité grandissante des organisations internationales (Peterson, 2007). Ces contextes de brassage interculturel requerraient des coachs une attention accrue du fait de la spécificité multiculturelles de leurs clients. En effet, deux points spécifiques de vigilance, cohérents avec le cadre de la construction sociale de la réalité, sont relevés (Hicks et Peterson, 1999): (1) les coachs, ne portant pas les « mêmes lunettes » que leurs coachés, doivent supposer des écarts culturels importants entre eux et leur coaché, et par conséquent chercher à faire remonter ces couches cachées à la surface, à la fois chez eux-mêmes et chez le coaché ; (2) Les coachs doivent personnaliser l’approche au maximum pour éviter les stéréotypes culturels. Explicitation des décalages et des implicites culturels, personnalisation de l’approche semblent deux principes majeurs du coaching en situation interculturelle pour répondre au processus de construction sociale de la réalité.
Détaillons maintenant les outils spécifiques qui soutiennent ces principes.
1.2.2. Les outils du coaching interculturel proposés par la littérature
Dans le contexte du coaching, un outil désigne des constructions théoriques ou pragmatiques, accompagnées de méthodes pratiques et de techniques susceptibles de provoquer et de pérenniser un changement (Angel et Moral, 2006). Les outils que les coachs mobilisent proviennent de la palette des d’outils d’accompagnement à destination des accompagnants au sens large. Ils ne sont donc pas cantonnés à la seule discipline au sein de laquelle ils ont été conçus et sont réappropriés par les acteurs du changement, en fonction des besoins spécifiques commandés par les situations des accompagnés. Il semble donc essentiel que l’outil soit parfaitement assimilé par l’utilisateur qui en fait usage, que celui-ci connaisse aussi les motivations de ceux qui l’ont développé, de manière à ce que dans sa mise en œuvre et ses conséquences, il atteigne le but souhaité. Sinon, l’accompagnant risque soit de manquer sa cible et l’outil sera sans effets, soit de provoquer des conséquences non maîtrisées. La problématique de l’utilisation pertinente des outils réside dans la capacité à choisir le bon outil, au bon moment et d’en faire bon usage. La bonne appropriation de l’outil est alors un facteur déterminant pour la réussite du geste qu’il accompagne (Grimand, 2006).
Cette appropriation de l’outil reposerait sur quatre phases, si l’on s’appuie sur le schéma dit de la dynamique d’apprentissage (Nonaka et Takeuchi, 1995). En phase 1, l’apprenant est inconsciemment incompétent, il ne sait pas qu’il ne connaît pas et ne maîtrise pas l’outil. En phase 2, l’apprenant est consciemment incompétent, il reconnaît ne pas maîtriser l’outil en toute conscience. En phase 3, l’apprenant est consciemment compétent, il sait qu’il maîtrise l’outil et qu’il le maîtrise bien. Enfin en phase 4, l’apprenant est inconsciemment compétent, il a assimilé l’outil au point que celui-ci est passé dans son inconscient et il l’utilise sans même s’en rendre compte.
D’après la littérature, la situation interculturelle de coaching justifierait le recours à des outils coaching spécifiquement conçus pour ce contexte de croisement de cultures entre le coach, le coach et le pays d’accueil.
En nous appuyant sur les principaux travaux qui répertorient les outils du coaching interculturels (Abbott, 2009 ; Lamy et Moral, 2011 ; Verhulst et Sprengel, 2010), nous pouvons dire qu’ils sont de trois types. Il y a des outils de mesure interculturels, comme le « COF » (Cultural Orientations Framework, Rosinski 2003), le « MPQ » (Multicultural Personality Questionnaire, Tamas Consultants), la « Tolerance of ambiguity scale » (Budner, 1962). Ils consistent le plus souvent en des questionnaires permettant de déterminer le profil culturel du client et éventuellement de le comparer à d’autres profils culturels type, comme celui du pays où il est expatrié. Pour la plupart issus des travaux de Hall (1966 ; 1958), Hofstede (1991), Bennett (1993) et Trompenaars (2004), ils mesurent généralement les dimensions culturelles mises au point par ces chercheurs, de façon duelle et assez linéaire, avec le risque de renforcer certains stéréotypes. Parmi les outils du coaching interculturel, existeraient aussi des jeux de rôle (« Visitors from Mars », « Diplomatic Suitcase », « Prisoner’s Dilema », « The Invasion ») ainsi que des outils transposés du coaching classiques (exercices sur les valeurs, 360°…).
Pour Verhulst et Sprengel (2008), ces outils et jeux permettent d’apprécier l’appréhension et l’appropriation du phénomène interculturel du client au travers de trois stades qu’elles décrivent ainsi : 1) prise de conscience du client de ses suppositions de base, considérées comme acquises ; 2) connaissance des autres cultures ; 3) devenir compétent dans les interactions interculturelles. La notion de « compétence interculturelle » semble clé pour ces auteurs. Elle résulte, pour Rabasso et Rabasso (2007), de la capacité des individus à négocier et échanger les différents sens culturels et de leur capacité à mettre en œuvre les comportements communicatifs divers tout en acceptant la multiplicité des identités de leurs participants dans un contexte déterminé. Quatre qualités incontournables semblent baliser l’adaptabilité internationale (Cerdin, 2007) : la confiance des personnes en leurs capacités techniques pour mieux s’adapter au travail ; la capacité de substitution, c’est-à-dire remplacer ce que l’on apprécie dans le pays d’origine par ce qu’on trouve dans le pays d’accueil ; la capacité de non-retrait, c’est-à-dire d’affronter les problèmes ; la capacité d’ouverture.
1.3. La situation interculturelle : entre leurre et contre-productivité
1.3.1 La situation interculturelle, un contexte de coaching comme un autre
Malgré l’existence d’outils spécifiques de coaching pour la situation interculturelle, quatrefacteurs que nous détaillons ci-dessous semblent modérer leur nécessité ou pertinence.
(1) Le fait que « le principal outil du coach, c’est lui-même », laissant un poids mineur aux outils, interculturels ou non. Cette assertion revient très souvent dans la littérature sur le coaching et dans le discours des coachs eux-mêmes. Elle renvoie au fait que c’est au travers de ce qu’il est, de ce qu’il investit dans la relation, de son ressenti, du transfert, que le coach travaille. Cette phrase ne prétend pas qu’un bon coach doit être capable de se passer d’outils, elle signifie que c’est à partir de qui il est que le coach fait avancer son coaché. Cela requiert alors de sa part, outre la bienveillance et l’empathie, une position méta qui lui permet de décrypter ce qui se passe entre lui et son coaché, afin de choisir les mots et actions qui seront propices à l’atteinte des objectifs de l’intervention.
(2) La posture du coach présentée comme par essence personnalisée, qui implique de fait une approche spécifique du client. A la différence de pratique cousine d’accompagnement, comme la formation ou le conseil, le coaching est vendu comme une approche personnalisé, une « réponse à la carte » taillée selon les besoins spécifiques du coach (Witherspoon et White, 1996 ; Fatien et Nizet, 2012). Dans ce cas, tout coaching est unique, fruit d’une rencontre unique entre un coach et son coaché. La situation interculturelle n’est pas alors plus spécifique qu’une autre situation de coaching.
(3) Le postulat d’une conception très positive de l’être humain qui formule par lui-même ses réponses en les puisant dans ses ressources, nécessitant du coach des connaissances sur le processus générique d’accompagnement (le geste du coaching) mais pas sur le contexte du coaché. En effet, étymologiquement, le « coach » du hongrois « kocsi »désignant la voiture qui véhiculait le roi de Hongrie est fondamentalement un support de changement, et de personnes puissantes (Fatien et Nizet, 2012). Le coach se met alors à la disposition d’un client qui a des ressources certaines. Il s’agit alors de la capacité du client à puiser en lui dans son potentiel pour le faire évoluer, fructifier. Il va créer ses propres solutions, à partir du guidage du coach. Selon cette perspective, le coach n’a pas besoin de connaissances particulière outre celle du geste du coaching, il n’a pas besoin de bagages particuliers puisqu’ils sont apportés par le client.
(4) Résumer la dimension culture à l’origine nationale est très réducteur, conduisant à occulter les autres facteurs culturels qui sont organisationnels, communautaires, familiaux (Abbott, 2009).
1.3.2. Les paradoxes du coaching interculturel
Parler d’interculturel en coaching présente aussi un certain nombre de paradoxes (Abbott, 2009). L’auteur en présente quatre. (1) Le choix d’une intervention de coaching interculturel révèlerait d’un niveau de prise de conscience sur la culture qui ne devrait alors plus rendre nécessaire une telle intervention. (2) Ensuite, labelliser cette intervention sous le titre de « coaching interculturel » détourne l’attention d’autres facteurs importants qui impactent un processus de changement et sape potentiellement son efficacité. (3)Abbott relève aussi que tout coaching est par essence interculturel, l’individu appartenant à de multiples cultures qui l’influencent. Par conséquent, si tout coaching est interculturel, aucun ne l’est. (4) Enfin, à l’extrême inverse, le coaching ne devrait jamais être labellisé d’interculturel car tant d’influences empièteraient sur le processus du coaching que se concentrer uniquement sur la culture n’a aucun sens.
De plus, les différences de cultures nationales peuvent redéfinir le statut ou le rôle du coach lui-même et ainsi introduire une sorte de protéiformité du coaching en fonction des aires géographiques. Ainsi, Nangalia et Nangalia (2010) rappellent qu’en Asie, le coach sera perçu non pas comme un égal mais comme un aîné respecté, plus âgé, avec des « cheveux gris », plutôt masculin, avec beaucoup d’expérience, et donnant des conseils et des solutions. Ceci irait à l’encontre du coaching entendu au sens occidental, où le coach doit réfréner le fait de donner des solutions ou de dire au client quoi faire. Les premières attentes du coaché en Asie sont donc davantage de l’ordre d’un mentorat ou d’un conseil, toutefois la relation évolue petit à petit et au bout d’une durée estimée à six mois environ le coaché est davantage prêt à entreprendre le coaching sous sa forme « occidentale ».
Il ressort donc de cette revue de littérature une ambivalence sur la spécificité ou non de la situation interculturelle en coaching. Si des approches de coaching interculturel reposant sur des outils spécifiques laissent à penser que les constructions de la réalité spécifique des acteurs en jeu nécessitent l’usage d’outils appropriés, qui rendent cependant toujours possible l’intervention de coaching, d’autres perspectives plus universalistes soulignent le caractère générique de l’acte de coaching, voire la dimension contre-productive de la labellisation de coaching interculturel.
- Les spécificités d’un coaching en situation interculturelle telles que perçues par des coachs expatriés coachant des expatriés
Pour étudier la problématique de la nationalité et des expériences pays du coach qui peuvent permettre d’exercer un coaching performant,nous avons interrogé des coachs exerçant dans un pays différent de leur nationalité de naissance, auprès de coachés qui étaient expatriés et de nationalité différente de celle du coach. Ceci expose donc à une situation interculturelle où se croise au moins trois cultures nationales : la culture de naissance du coach, la culture de naissance du coaché et la culture du pays d’accueil dans lequel ils travaillent tous les deux. Ce dispositif méthodologique permet alors d’étudier des situations d’accompagnement extrêmes en matière de distances culturelles nationales. Après avoir testé et affiné notre guide d’entretien semi-directif auprès de deux coachs dont les entretiens ne font pas partie de l’échantillon, nous avons réalisé onze entretiens. Tous les coachs ont un vécu significatif de l’expatriation avec pour la plupart des expériences d’expatriations multiples, de longue durée, sur plusieurs continents. Leur âge s’étire entre 40 et 54 ans, la moyenne d’âge étant de 47 ans et on compte dix femmes pour un homme. Cinq coachs étaient basés en Europe, deux en Amérique du Nord et quatre en Asie-Pacifique. A l’exception d’une coach ayant suivi un séminaire de Global Business Coaching, aucun des autres coachs n’a suivi de formation qualifiante au coaching interculturel. La durée moyenne des entretiens est de 1h40. Ils ont été réalisés par skype du fait des grandes distances géographiques, dont six avec webcam. Tous ces entretiens ont fait l’objet d’un enregistrement sonore.
Tableau 2 : Profil des onze coachs interviewés
Pays de résidence du coach (ville) | Origine nationale des coachs | Origines nationales des clients | Formation/expérience |
Formation de base au coaching |
Allemagne (Coach, Fribourg) | Française | Français, Allemands | Management et commercial, secteur social et formation |
Autodidacte + Séminaire Institut Ressources (Belgique) |
Angleterre (Coach, Londres) | Français d’origine franco-roumaine | Français, Anglais, Japonais (plus occasionnels) | Postes de direction à l’international, cabinet de conseil américain | Formation coaching interne PWC |
Espagne (Coach, Madrid A) | Française | Français | Kinésithérapeute | Didascalis (France) |
Espagne (Coach, Madrid B) | Française | Français | Management opérationnel |
DESU Paris 8 (France) |
France (Coach, Paris) | Irlando-greco-roumaine | Italiens, Sud-Africains, Français (en préparation à l’expatriation), Américains, Australiens, Pakistanais, Tchèques | Linguiste et interculturaliste | Coaches Training Institute |
Etats-Unis (Coach, Miami) | Russe | Nord-Américains, Européens, Moyen-Orient | Postes de direction à l’international dans le conseil | Coaches Training Institute |
Canada (Coach, Vancouver) | Française |
60% Américains 40% autres (dont français, pourcentage non précisé) |
Postes à responsabilité managériale instituts de langues |
DFSSU Paris 8 (France) |
Chine (Coach, Hong Kong) |
Brésilienne | Australiens, Anglais, Israéliens, Américains |
Athlète de haut niveau (natation) |
Coach U (Etats-Unis) |
Chine (Coach, Pékin) |
Française | Toutes nationalités | Journaliste internationale |
Coach U + « Global Executive Coaching », summer Institute for Intercultural Communication, George Renwick (Etats-Unis) |
Singapour (Coach, Singapour A) | Française | 85 à 90% d’asiatiques |
Postes à responsabilités à l’international, Alcatel Alsthom, consulting, formation |
International Association of Coaching (Singapour) |
Singapour (Coach, Singapour B) | Belge wallone | Toutes nationalités (Italiens Coréens, Singapouriens, Ecossais, Français, Hollandais) | Psychologue |
Results Coaching System
|
2.1 Demandes et enjeux des coachés expatriés
Selon les coachs, quand les clients expatriés viennent les voir, leurs objectifs sont de trois types principaux : mieux communiquer (faire passer des messages, comprendre et se faire comprendre dans une autre culture, s’adapter au système de prise de décision), prendre sa place dans la société et dans l’entreprise (s’adapter à cette nouvelle vie en terme de statut social, professionnel, mieux comprendre les pratiques business et managériales du pays), et développer son leadership. Ces objectifs se traduisent au travers de divers enjeux.
Un principal enjeu (pour six coachs sur onze) est l’adaptation au changement ; cela comprend aussi bien le fait pour le client de «s’adapter sans se perdre, sans se sentir mis en danger » (coach, Pékin), que de comprendre « le comportement de l’étranger dans un autre pays qui peut être culturellement sensible ou insensible » (coach, Londres).
Quatre coachs sur dix ont parlé du phénomène de la perte de repère, « perte de repères de carrière, de management au jour le jour, de mesures de succès, même dans le cas de transfert dans une filiale » (coach, Londres), allié à l’enjeu de trouver sa place, de se recréer de nouveaux repères : «les gens sont « paumés », n’arrivent pas trop à faire le lien seul entre leurs anciennes expériences et le besoin qu’ils ont du futur » (coach, Singapour B). Les coachs ont indiqué vivre des bouleversements identitaires profonds, la phase d’expatriation étant souvent perçue comme un temps de pause, de retour sur soi amenant les personnes à se poser des questions sur le sens de leur vie, à remettre en perspective leurs orientations professionnelles, personnelles. Les enjeux familiaux semblent aussi cruciaux : les différents membres de la famille doivent eux aussi trouver leur place et une façon de s’inscrire dans le nouveau contexte. La capacité d’ouverture est considérée comme un enjeu par deux des coachs sur onze. Les trois autres enjeux cités (capacité à tolérer l’ambiguïté, se remettre en question, capacité de résilience) ne l’ont été que par un seul coach à la fois.
Les demandes et les enjeux des coachés en situation interculturelle s’inscrivent donc dans la palette des demandes classiques, mais on note toutefois des particularités, comme les enjeux familiaux, les remises en question identitaires, la capacité à tolérer l’ambiguïté, à se remettre en question ou la capacité de résilience. Ces demandes sont soit classiques, soit spécifiques, soit revêtent, et c’est souvent le cas, une intensité exacerbée par l’expatriation par rapport au coaching d’une personne non expatriée.
2.2.Définition et labélisation du coaching en situation interculturelle par des praticien-ne-s
Concernant la manière dont nos interviewés définissent le coaching en situation interculturelle, les avis sont partagés. Cinq coachs ont estimé que la définition à donner au coaching interculturel serait la même que pour le coaching généraliste : « c’est le processus d’accompagnement d’une personne ou d’une équipe pour un changement ou une transformation qui est souhaité et vécu » (coach, Paris). Les six autres ont donné une définition prenant en compte la dimension interculturelle : « toute intervention de coaching où le client et son coach ne sont pas, soit entre eux du même background culturel, soit le client lui-même est dans un milieu qui n’est pas son milieu culturel » (coach, Londres). Sur les quatre coachs situés en Asie, trois faisaient partie de la première catégorie. Trois coachs européens sur cinq faisaient partie de la seconde.
Comment les coachs labélisent-ils alors spécifiquement leur pratique en situation interculturelle ? Les réactions ont été extrêmement variées. Cinq coachs sur onze emploient régulièrement le terme de « coaching interculturel » ou « cross-cultural coaching ». Quatre préfèrent parler de « global coaching », « global executive coaching », ou « global leadership coaching ». Enfin, deux coachs préfèrent dire « coaching » tout court. On note alors que trois coachs adoptent une labélisation spécifique du coaching en situation interculturelle en le définissant toutefois comme du coaching traditionnel (voir tableau 3 ci-dessous).
Tableau 3 : Définition et dénomination du coaching en situation interculturelle
Oui | Non | |
Définition spécifique du coaching interculturel | 6 | 5 |
Labélisation spécifique de l’intervention en situation interculturelle | 9 | 2 |
Parmi les commentaires secondaires émis sur cette thématique, certains indiquent que tous ces termes sont similaires. Deux personnes disent clairement être gênées par le mot ‘interculturel’ accolé au mot coaching. Une de ces coachs emploie le terme de « coaching d’expatriés ». Une coach a évoqué le terme « d’ethnocoaching » en fin d’entretien. Cette idée novatrice semble trouver quelques échos en Allemagne, mais elle est encore quasiment inconnue ailleurs. Elle renvoie à une perception héritée de l’anthropologie culturelle, et plus particulièrement de l’ethnopsychiatrie.
Dans le schéma 1, nous avons choisi de citer quelques phrases des coachs, en employant un code couleur graduel de fond clair à fond foncé, en fonction du degré d’acceptation ou de rejet de l’emploi de ces termes.
Schéma 1 : Représentation graphique des labélisations du coaching en situation interculturelle
Parler de culture et d’interculturel dans le coaching ouvre-t-il la compréhension ou enferme-t-il dans des catégories ? Pour cinq coachs, parler de culture peut mettre une barrière, mais les stéréotypes qui en ressortent sont intéressants à travailler comme base de départ. Six autres coachs partage également l’opinion qu’on peut générer des a priori mais que la manière d’en sortir sera de créer du lien en recherchant par exemple les points communs entre plusieurs cultures nationales.
« Nous sommes tous des êtres multiculturels, donc tout coaching est interculturel, par conséquent aucun ne l’est ». Cette phrase a été prononcée par un coach dans l’un de nos entretiens exploratoires. Elle a retenu notre attention car elle annule la possibilité même de l’existence d’un coaching de type interculturel. Nous l’avons soumise aux coachs en sollicitant leurs commentaires. Quatre coachs sont d’accord avec cette phrase. Trois coachs sont en désaccord. Une coach est d’accord avec la première partie de la phrase mais pas la fin. Une coach a précisé que le terme « interculturel » est limitant. Une coach n’a pas répondu. Une coach a répondu qu’elle n’aurait pas dit cela exactement comme ça, et a évité le sujet par une pirouette. Trois coachs entre tous ont émis l’idée que cela dépend de la définition donnée à « interculturel. »
Finalement, le terme de ‘coaching interculturel’ ne serait-il qu’une façon de marketer une activité et de se positionner sur un marché concurrentiel ? La grande majorité des coachs sont plutôt d’accord avec cette affirmation. Trois le sont de manière positive, expliquant que cela répond à un vrai besoin sur le marché. Quatre sont critiques par rapport à l’utilisation du terme interculturel, parce qu’on « brasse de l’interculturel à tout va et ça ne joue pas en faveur d’un coaching interculturel efficace » (coach, Singapour B)
2.3 Les outils utilisés par les coachs en situation interculturelle
Nous avons interrogé les coachs sur les outils qu’ils mobilisent en situation interculturelle. Ils ont pu tout d’abord nommer spontanément ceux qu’ils utilisent (tableau 4), puis une liste issue de la littérature leur a été présentée, face à laquelle ils ont pu se positionner (tableau 5).
Tableau 4 : Outils interculturels mobilisés par les coachs, citation spontanée
Outils interculturels que les coachs utilisent en coaching interculturel | Nombre de fois où les coachs ont cité ces outils |
Outils de mesure de dimensions culturelles : | |
COI (Cultural Orientations Indicator), TMC |
XX (Pékin=>pas systématiquement, Singapour A) |
Les six outils de TMA World : § Country Navigator § Cultural Intelligence self-study module § Global Communication self-study module |
X (Singapour A) |
Cultural Detective (Profils pays), Cultural Detective | XX (Paris => bientôt, Singapour A) |
TIP (The International Profiler), World Work | X (Paris) |
Insights Discovery, Insights | X (Paris) |
Culture Mastery, 4 C’s, Global Coach center | XX (Vancouver, Miami) |
Jeux: | |
Ekotonos, Hofner Saphiere et Nipporica Associates | X (Pékin) |
Diversophy, Simons | X (Singapour A) |
360° : | |
Polaris Global 360° Assessment Survey, Esprit Global Learning | X (Pékin) |
Autres outils: | |
Risk Assessment | X (Singapour A => en amont d’un coaching) |
Intercultural Training | X (Singapour A=>en amont d’un coaching) |
TMS (Team Management System), TMS Global | X (Paris) |
Emotional Competence Framework, Spencer & Spencer, Mosaïc, Rosier ( Intelligence émotionnelle) | X (Singapour A) |
ORSC, (Organization and Relationship Systems Coaching), CRR Global (Intelligence émotionnelle) | XX (Vancouver, Paris) |
Tableau 5 : Outils mentionnés dans la littérature cités spontanément par les coachs (Le nombre de croix « X » correspond au nombre de fois où un outil a été cité. Les ronds « O » correspondent au nombre de fois où une personne a dit connaître l’outil mais ne pas s’en servir).
Outils mentionnés dans la littérature sur le coaching interculturel | Nombre de fois où les coachs ont cité ces outils |
Outils de mesure de dimensions culturelles : | |
COF (Cultural Orientations Framework) Rosinski (2003) |
X (Vancouver) OOO (Pékin, Londres, Miami) |
IDI (Intercultural Development Inventory), Hammer (1998) | OO (Pékin, Miami) |
CWQ (Culture in the Workplace Questionnaire), Laurent, Itap International | |
Jeux: | |
Les Visiteurs de Mars, cité par Verhulst (en 2008) | X ou équivalents (Madrid B) |
La Valise Diplomatique, cité par Verhulst (en 2008) | X (Vancouver =>en France, pas avec les clients américains) |
Le Dilemme du Prisonnier, Rapoport et Chammah (1965), Watzlawick (1977) et Poundstone (1992) |
X (Vancouver =>en France, pas avec les clients américains) X (Londres =>en management, pas en coaching) |
Autres outils: | |
Schwartz Value Survey, Shwartz (1992, 1994) |
X (Vancouver) O (Miami) |
Barnga, Thiagarajan (1970) | XXX (Pékin, Paris, Madrid B) |
Dans les outils nommés spontanément, certains relèvent d’outils spécifiquement interculturels, d’autres d’une pratique classique. Vingt outils interculturels différents ont été cités par six coachs. Cinq coachs ont déclaré ne pas utiliser d’outil de type interculturel. Il ressort une très forte hétérogénéité dans les outils cités spontanément ; le COI (Cultural Orientations Indicator), le Cultural Detective ainsi que le ORSC (Organization and Relationship Systems Coaching) sont les seuls outils à avoir été cités deux fois.
Parmi les outils de pratique classique utilisés par les 11 coachs, on note une plus forte homogénéité dans les réponses. Tous les coachs ont déclaré utiliser deux outils de base en coaching, inhérents à la posture de coach : l’écoute active et le questionnement. Concernant des outils spécifiques, la PNL ainsi que les jeux de rôle sont cités spontanément par respectivement 6 et 5 coachs, puis le travail sur les valeurs (4 coachs) et l’usage du MBTI (3 coachs). Ensuite, cités par deux coachs, on retrouve le travail sur les besoins, sur les émotions, à partir de métaphores.
Quand les coachs ont dû se positionner face à des outils interculturelsqui leur étaient présentés et étaient issus de la littérature, la coach de Vancouver en pratiquait quatre, la coach de Madrid-A en utilisaient deux, et quatre coachs (Londres, Miami, Paris, Pékin) avaient connaissance de trois outils sans les utiliser. L’outil le plus utilisé (en coaching d’équipe) est le Barnga, l’outil le plus connu est le Cultural Orientations Framework de Rosinski (mais cité par seulement 4 coachs). On peut en conclure que les outils cités classiquement dans la littérature sur le coaching interculturel sont relativement peu mobilisés, voire inconnus de ces coachs exerçant en situation interculturelle.
Quand les coachs mobilisent ces outilsdits traditionnels ou interculturels, qu’en font-ils ? Leur semble-t-il nécessaire de les adapter ? Pour les cinq coachs localisés en Europe, à une exception près, cela ne semble pas le cas ; ayant des clientèles plutôt occidentales, ils sont peu confrontés à cette question de l’adaptation des outils à des cultures très différentes. En revanche, les positions sont différentes pour les six coachs basés en Asie et en Amérique du Nord. Quatre coachs sur six, ceux basés à Singapour (deux coachs), à Pékin et Vancouver, estiment qu’il convient d’adapter ces outils à d’autres cultures. Les coachs situés à Hong Kong et Miami estiment que ce n’est pas nécessaire.
Ainsi cette coach basée à Pékin souligne les limites de l’utilisation des tests en Chine : éduqués dans un système scolaire basé sur l’apprentissage par cœur, où dans les examens, il y a toujours une seule bonne réponse, les Chinois vont avoir tendance à répondre aux tests en cherchant la réponse la plus socialement acceptée. Elle nous a fait partager son expérience du 360° avec les coachés chinois : « Le 360 ° est un exercice très difficile (etc.) Le degré de transparence dans le feed-back que vous allez recevoir de vos subordonnés quand vous êtes cadre, il va falloir complètement le décoder, parce que les gens vont avoir un mal fou à dire des choses qui pourraient être perçues comme critiques par leur chef (etc.) Cela ne peut pas être utilisé d’une manière systématique partout sur la planète, de la même manière, pour tout le monde. Il faut être capable de lire le non-dit, l’implicite.» (coach, Pékin)
Pour l’une des coachs interviewée à Singapour, le MBTI (Myers Briggs Type Indicator) n’est pas assez adapté aux coachés asiatiques, « ils sont trop occidentalisés (etc.). Donc le coaching interculturel c’est une spécialité en soi qui demande des compétences particulières et d’adapter les outils de coaching tels qu’on les connaît afin qu’ils fonctionnent en milieu interculturel (etc.). Si j’utilise un Myers-Briggs, dans la première dichotomie « extraverti-intraverti », les résultats du test vont indiquer que la personne asiatique est introvertie. On a presque toujours un feed-back de la part des asiatiques qui vont nous dire « Oui mais bon, moi pour un asiatique je suis extraverti, mais je tombe tout le temps dans introverti mais parce que c’est un outil occidental » » (coach, Singapour A).
Plusieurs coachs émettent donc des réserves quant aux outils de mesure interculturelle. « Les outils, les tests ont leurs limites, ils ont été faits pour des gens qui ont une certaine culture. Ce n’est pas le coaching qui est occidental, c’est l’outil, la technique. C’est pour cela que je n’aime pas trop utiliser les outils car on est très vite dans les stéréotypes » (coach, Singapour B). Les coachs semblent alors avoir adopté leurs approches propres pour aborder la thématique interculturelle ; ainsi cette coach de Fribourg qui travaille autour des émotions et des sens, parce que « très vite dans l’interculturel on va être dérangé dans nos structures » (coach, Fribourg). Elle demande alors à ces coachés : « Qu’est-ce qui te manque au niveau nourriture, qu’est-ce que tu as découvert, qu’est-ce que tu cuisines ? La musique de ce pays c’est comment ? » (coach, Fribourg). Pour la coach de Vancouver, il s’agit d’utiliser les questionnaires dans des versions adaptées au pays. Ainsi avec ses clients nord-américains, elle veut être sûre de pouvoir appréhender leur spiritualité, au travers de questions comme « Croyez-vous en des forces surnaturelles dans l’univers ? ». Elle pense qu’en revanche, ce type de questions est à « proscrire en France où on est plus dans la réflexion de ce qu’on a fait, ou de ce que l’on ferait aujourd’hui -‘sachant ce que l’on sait’-etc.et où on reste dans la réflexion profonde (…) ».
2.4 L’adaptation plus large de la pratique du coaching
Au-delà de l’adaptation ou non des outils, les coachs adaptent-ils plus largement leur pratique aux cultures différentes ? Cinq coachs nous ont parlé d’une adaptation de la pratique du coaching à la culture de la personne coachée. Dans ce cas, ils ont établi des comparatifs entre clients Allemands et Français, Nord-Américains et Français, et Occidentaux et Asiatiques. Ainsi ce coach à Londres énonce : « si je coache un allemand, je vais avoir tendance à être très structuré et très « scientifique » dans mon approche. Si je coache un français, je ne le ferai pas nécessairement, sauf si c’est un ingénieur. Donc il y a plus de points communs dans mon coaching entre un ingénieur français et un commercial allemand ». Ou cette coach basée à Singapour : « Je pense que les questions ne peuvent pas être posées de la même façon que dans l’école du coaching à l’occidentale. Elles seraient intrusives, trop directes, presque insultantes, manquant de respect pour le coaché » (Singapour A). Cette coach de Vancouver indique une différence dans la façon de pratiquer le coaching ‘à l’américaine’ ou ‘à la française’ : « Je ne fais pas le même coaching pour les français et les nord-américains. Le côté français est plus dans la réflexion. Cela peut prendre trois sessions à décrypter la demande de la personne. Les sessions avec les français sont plus longues, de une heure à une heure et quart au lieu de quarante-cinq minutes pour les nord-américains. La session pour les nord-américains sera très précise en terme d’objectifs, de demande, de travail, ce sera beaucoup plus direct qu’en France (etc.)(coach, Vancouver)
Cette coach à Pékin nous parle de l’impact de la culture sur la manière acceptable de pratiquer le coaching, par exemple par téléphone ou en face-à-face : « Aux Etats-Unis, en Australie, se pratique énormément le coaching par téléphone. A partir du moment où on a décidé de faire un coaching, s’instaure une sorte de capital de confiance entre le coaché et le coach. Pour nos cultures qui sont bénéficiaires en confiance, on vous fait confiance a priori jusqu’à preuve du contraire(etc.).En Asie, en Chine en particulier, on est dans des cultures de déficit de confiance, ce n’est pas qu’il n’y en a pas mais il faut la construire, donc il est évident que la pratique du coaching téléphonique va être très difficile au départ, il faut se voir, se jauger, s’apprécier et après on pourra en faire. » (coach, Pékin)
Deux coachs ont indiqué qu’il était nécessaire de bien connaître la culture pays du client. « J’ai accompagné un couple de Sud-Africains en France, et effectivement je ne sais pas ce que je fais vraiment, mais le fait que je connaisse la culture sud-africaine est un plus inestimable. Est-ce que c’est un plus dans la manière dont j’accède à leur difficulté de s’intégrer à la culture française, est-ce que je comprends mieux leurs difficultés ou est-ce que ce n’est pas plutôt un obstacle, parce que je ne suis pas tellement présente à eux, je suis plus présente à ma croyance de connaître la culture sud-africaine ? » (coach, Paris).
Deux coachs ne sont pas d’accord avec l’idée d’une nécessaire adaptation de la pratique au contexte culturel parce qu’ils pensent que le geste de coaching est universel. En effet, rien ne prouve que le coaching est une pratique d’accompagnement purement occidentale comme le souligne ce coach : « Pour moi le coaching n’est pas fait pour les occidentaux. Si vous dites cela à un coach singapourien il ne va pas être content du tout. Je pense que ce geste, qui est un peu le geste socratique, l’interrogation de l’autre et voir comment clarifier, c’est tout simplement humain, moi je ne dirais pas que c’est une problématique orientale ou occidentale. (etc.) Le geste est universel »(coach, Singapour B).
- Analyse et implications pour la formation des coachs
Que nous apprend notre étude par rapport à notre problématique de l’utilité des coachs dans un contexte interculturel ? Si les onze coachs interrogés de facto pensent qu’une telle intervention est possible, ils ne l’envisagent pas de la même manière. Ces coachs nous donnent à voir une palette très diversifiée de la pratique du coaching en situation interculturelle. Pour certains, ce contexte fait émerger des demandes spécifiques, liées à des enjeux identitaires, à des capacités à se remettre en question, à tolérer l’ambigüité, et appelle une pratique singulière par la mobilisation d’outils spécifiques. Pour d’autres, la pratique du coaching reste la même, ancré sur un geste essentiel ; la labélisation ‘coaching interculturel’ peut même alors être perçue comme stigmatisante, tantôt comme un outil marketing, une manière de se positionner sur un marché.
Pour aborder ces demandes de coaching, les coachs s’appuient tout d’abord majoritairement sur les outils classiques du coaching, et ensuite pour certains sur des outils spécifiques à l’interculturel. Il semble que la situation interculturelle, c’est-à-dire la distance culturelle entre le coach et le coaché, soit un paramètre à prendre en compte dans ces mobilisations. Il ressort de nos investigations que les outils classiques du coaching sont d’autant plus mobilisés que les écarts culturels perçus entre coachs et coachés sont faibles. En revanche, plus l’écart est important, plus les coachs semblent mobiliser des outils interculturels. On peut donc penser qu’en situation de décalage culturel intense, si l’usage des outils interculturels n’est pas obligatoire, il est davantage fréquent. On analyse donc bel et bien une adaptation de la pratique en termes de type d’outils dans les contextes à écart culturel important.
Quand les coachs utilisent des outils interculturels, ils estiment que ces outils, majoritairement occidentaux, sont peu pertinents par rapport aux autres contextes culturels, et qu’il faut les adapter, au risque de conduire à une normalisation culturelle, d’autant plus qu’ils sont mobilisés dans le contexte asiatique.Il semble alors que s’il y a des modifications dans l’approche du coaching en situation interculturelle, avec des adaptations des outils, c’est plutôt du fait des coachs sur le terrain qui expérimentent des inadéquations avec la gamme des outils proposés à l’heure actuelle et utilisent leur créativité pour personnaliser leur démarche. Cette conclusion irait dans le sens de la relativité des outils dans le coaching, pratique dans laquelle le coach lui-même reste le principal outil.En s’appuyant sur les 4 phases d’appropriation des outils de Nonaka et Takeuchi (1995) cités dans la littérature, on pourrait aussi se demander si l’usage des outils interculturels est lié au niveau de connaissance et de maîtrise de son praticien. L’absence d’usage d’outil spécifique pourrait alors être liée à un défaut de connaissance ou au contraire à une assimilation, à une intégration à une pratique plus globale.
Un autre élément d’analyse est lié à l’appréhension de la pratique du coaching interculturel. Si certains en donnent une définition distincte du coaching classique, d’autres l’assimilent. Mais souvent, il ressort que ces deux termes accolés « coaching » et « interculturel », posent problème. Le coaching interculturel favoriserait la diffusion de stéréotypes réducteurs ne permettent pas d’aborder l’interculturel dans un esprit d’ouverture et de découverte. Alors l’utilisation du terme de « coaching interculturel » serait davantage un prétexte commercial, une manière de se positionner sur un marché concurrentiel, qu’il ne traduirait un soutien pour appréhender une pratique spécifique.
Le débat reste vigoureux entre ceux qui considèrent que le coaching en situation interculturelle reste le coaching dans son essence, et ceux qui posent clairement la nécessité de l’adapter à des contextes culturels vernaculaires. Mais, ces deux assertions ne sont pas forcément opposées l’une avec l’autre. Aussi paradoxal que cela puisse paraître elles peuvent même coexister chez certains coachs. Dans une perspective universaliste, le coaching est défini comme un geste d’accompagnement qui trouve ses racines dans toutes les cultures où l’entraide, alliée à la réflexion sur soi, a eu cours sous différentes formes. Mais rien ne s’oppose a priori à soutenir l’acception selon laquelle le coaching interculturel n’est pas une spécialité en soi et ne présente comme spécificité qu’une forme de packaging du coaching. En fin de compte, si le coaching interculturel ne consiste ni en l’adaptation du coaching à d’autres cultures, ni en une spécialité de coaching en entreprise dans des contextes multiculturels en raison de sa polysémie, il n’y a pas lieu de le définir autrement que comme ‘ un simple coaching’. Si au contraire, on considère que le coaching interculturel est une spécialité alors qu’il ne fait pas l’objet de formations spécifiques dans les écoles de coaching, mais qu’il trouve sa forme de façon empirique à la croisée de l’expérience professionnelle des coachs et de leur vécu à l’international, alors cette spécialité est encore largement expérimentale et subjective.
La difficulté réside bien là. A la fois le coaching est une pratique sociale récente, située et polymorphe ; et en même temps, le terme culture ne renvoie pas qu’à la dimension des nations. En s’intéressant aux cultures des groupes d’appartenance d’un individu, des cultures portées par ses filiations ou encore par l’influence des cultures professionnelles et de métiers que son parcours professionnel a construites, la culture devient un analyseur global, un fil conducteur de la pratique du coach, le coaching interculturel n’ayant plus alors de sens en soi. Mais il faut alors se demander si le genre ou les âges (chronologique, perçu par autrui, auto attribué…), du coaché et du coach, ne sont pas d’autres conducteurs susceptibles d’offrir d’autres cadres de lecture et d’accompagnement pour le coach.
Comment dès lors former les praticiens du coaching à la situation interculturelle ? Des programmes de formation spécifiques émergent, comme en France où International Mozaïk propose un Master of Business Coaching avec des modules consacrés au coaching multiculturel. Ce type de formation reste toutefois peu répandu. D’autres auteurs réalisent des adaptations théoriques. Ainsi, Huo Datong, premier psychanalyste chinois à avoir introduit la psychanalyse lacanienne en Chine, propose une réinterprétation des théories de Freud et de Lacan, par exemple en reprenant le mythe du Fils du Ciel qui reçoit une validité culturelle en Chine selon lui. Nous explorons ci-dessous des pistes d’enseignement du coaching propice, selon nous, à favoriser l’appréhension par le coach de la construction sociale de la réalité – la sienne et celle de son client.
3.2 La réflexivité critique, support de formation pour le développement du coach
Afin de favoriser le développement de la prise de conscience chez les coachs des processus culturels et sociaux qui construisent leurs réalités ainsi que celles de leurs clients, un certain nombre de principes semblent pouvoir être proposés, notamment appuyés sur les pratiques développés par le courant Critical Management Education (CME) (Grey, 2008). Le courant CME s’est développé dans les années 1980 pour proposer des pratiques d’enseignement et de formation alternatives aux pratiques dominantes, qui essentiellement technicistes, conduiraient à la perpétuation des modes de domination dans les organisations. En pointant du doigt que ces approches conventionnelles sont loin d’être moralement et idéologiquement neutres, le courant CME vise à développer une prise de conscience politique et éthique des apprenants. Ce courant met notamment l’accent sur (Grey, 2008):
- les valeurs, par opposition aux techniques dans le management
- l’exposition des intérêts managériaux cachés et des pratiques d’exercices de pouvoir,
- la compréhension des pratiques managériales comme des pratiques situées, dépendantes du contexte local
- la compréhension des contextes sociaux, politiques et philosophiques de management
Dans ce chapitre, nous nous centrons sur l’un des piliers du courant CME, la réflexivité critique (Cunliff, 2004). La réflexivité critique consiste à examinerde façon critique leshypothèsesqui sous-tendentnos actions. Elle repose sur une « perturbation », c’est à dire une remise en question, insécurisante, de nos hypothèses de base, des discours et des pratiquesutilisées traditionnellement pour décrirela réalité.La réflexivité critique repose notamment sur un questionnement existentiel – qui suis-je et quel type de personne je souhaite être ? et relationnel – comment suis-je en relation avec les autres et avec le monde qui m’entoure ? Nous pensons que le recours à ce type de pratiques propres à développer un « praticien réflexif » (Cunliff, 2004) pour l’enseignement du coaching faciliterait la prise en compte par les stagiaires de la dimension socialement construite de la réalité. Le lien entre constructivisme social et réflexivité critique est d’ailleurs analysé dans les écrits du courant CME (Cunliff, 2004).
Concrètement, pour le coaching, l’expérimentation de la réflexivité critique peut prendre la forme de pratiques collectives (en groupe d’analyse de la pratique par exemple) ou de pratiques individuelles (par exemple sous la forme d’un journal réflexif). L’école Groupe CAPP- coaching fondée par Jaillon nous semble un exemple illustratif de dispositif de formation centré sur la réflexivité. La mise en réflexivité des stagiaires semble en effet au cœur du parcours de formation au coaching, notamment au travers du dispositif d’autobiographie réflexive. Dispositif dynamique, il vise à développer la réflexivité du stagiaire en l’incitant à revisiter toutes les situations vécues de changement, de crise, de conflit, de dérangement, ainsi que le discours sur la construction de soi tenu par le sujet. Il a été conçu en s’appuyant sur les travaux d’une discipline source, la sociologie clinique (de Gaulejac, 1997) qui vise à mettre en relation le sujet avec son histoire sociale afin de dégager ce qui vient de lui de ce qui vient du contexte social ; un courant sociologique, l’analyse institutionnelle (Lourau, 1970) qui repose sur l’analyse de l’implication et un courant philosophique humaniste, l’existentialisme centré sur l’analyse de l’individu en situations (Sartre, 1946) considéré en tant que moment de totalisation du passé, du présent et du projet. Le tableau 6 détaille les quatre outils principaux du dispositif de formation.
Tableau 6 : les outils de formation de l’autobiographie réflexive
Les outils | Principes | Objectifs |
Le journal de formation au coaching | Consigner les apprentissages lors de conférences, fiches de lecture etc. | Permettre la traçabilité des acquis de la transformation |
Le journal du coach | Noter les réactions et expériences (etc.) ressenties en séances de coaching |
Prendre du recul Analyser sa pratique |
Socio-biographie | Localisation graphique sur lequel l’individu localise les événements significatifs de sa vie personnelle, professionnelle et éducative. Il y indique aussi les relations et les connexions (tensions ou contradictions) des différents éléments entre eux | Mettre en réflexivité sur la manière dont la personne s’est construite et formée tout au long de sa vie |
Formation au journal du coaché | Se former à un journal réflexif que le client coaché pourra utiliser et dans lequel il note les situations significatives vécues par lui en relation avec les objectifs de son accompagnement | Acquérir un outil de développement de la réflexivité du coaché et le mettre en œuvre au quotidien |
Source : Réalisé à partir de Jaillon, 2011
A noter que certains de ces outils à destination du stagiaire en formation peuvent être utilisés ensuite par le coach dans son intervention de coaching. Ils sont ainsi les outils du « Coaching Socianalytique » (Jaillon, 2011) qui vise à développer la capacité de la personne (ou de l’équipe) coachée à analyser sa situation de travail afin de clarifier les déterminants et enjeux (personnels et collectifs) de son projet d’évolution personnelle.
Conclusion
La pratique du coaching apparaît comme un analyseur de la tension entre globalisation des pratiques de gestion et d’accompagnement, persistance de modèles nationaux ou propres à des aires géographiques (comme ici l’Occident développé), et des phénomènes d’adaptation, d’hybridation ou de transferts prudents (Livian, 2004). Les coachs rencontrés nous le disent, nous sommes loin d’une pensée dichotomique et binaire des approches interculturelles traditionnelles issues des travaux de Hofstede notamment (Davel, Dupuis et Chanlat, 2008).De notre étude ressort donc le constat que les coachs répondent positivement par rapport à l’utilité du coach en situation interculturelle, même s’ils ne partagent pas les mêmes points de vue sur les méthodes les plus appropriées. Leurs perspectives prennent en compte d’une certaine manière les postulats de construction sociale de la réalité, dans la mesure où ces représentations sociales différentes de la réalité justifieraient des approches spécifiques. En revanche, elles semblent réfuter que des processus différents de socialisation condamnerait l’efficacité du coach. Peut-être que comme le disait Einstein, « On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ». Cependant, il semble que dans tous les cas, des enseignements centré sur le développement de la réflexivité critique du coach soient bénéfique pour croiser perspectives culturelles et construction sociale de la réalité.
Bibliographie :
Abbott G. (2009),«Cross Cultural Coaching: a Paradoxical Perspective», in Cox, E., Bachkirova T. et Clutterbuck D. (2009), The sage Handbook of coaching, London: Sage publications Ltd, p.343-359.
Alexandre G. (2003),« Le coaching, l’irrésistible développement d’une démarche en quête de professionalisation » in Allouche, J. (ed.),Encyclopédie des ressources humaines. Paris : Vuibert, p. 193-202.
Angel P. et Moral M. (2006), Coaching, outils et pratiques, Armand Colin, Paris.
Bennett M. (1993), Towards Ethnorelativism : a Developmental Model of Intercultural Sensivity, in Michael R. Paige, (ed.), Education for the Intercultural Experience, Yarmouth, ME: Intercultural Press, p. 21-71.
Berger P., Luckmann T. (1966),The Social Construction of Reality: A Treatise in the Sociology of Knowledge, Garden City, NY: Anchor Books.
Budner S. (1962), «Intolerance of ambiguity as a personality variable»,Journal of Personality.Vol. 30, p. 29-50.
Bresser Consulting (2009), Global Coaching Survey – The State of Coaching Across the Globe: The Results of the Global Coaching Survey 2008/2009; http://www.frank-bresser-consulting.com/globalcoachingsurvey.html.
Carey W., Philippon D. J., Cummings G. G. (2011),«Coaching models for leadership development: an integrative review»,Journal of Leadership Studies, vol. 5, n°1, p. 51-69.
Cerdin J.L. (2007). S’expatrier en toute connaissance de cause, Eyrolles, Paris.
Cloet H. (2007), « Le recours au coaching externe : prise de recul », Revue de Gestion des Ressources Humaines, n°65, p. 17-41.
Cox E., Bachkirova T., Clutterbuck D. (eds.) (2009), The Complete Handbook of Coaching, Sage, London, New Delhi, Singapore, Washington DC, Los Angeles.
Cunliffe A. (2004), «On becoming a critically reflexive practitioner»,Journal of Management Education; vol 28, n°4, p. 407-426.
Davel E., Dupuis J.P., Chanlat J.F. (2008), Gestion en contexte interculturel, PUL / Téluq, Québec.
Fatien P. (2008), «Des ambiguïtés de maux/mots du coaching»,Nouvelle Revue de Psychosociologie, n° 6, Les ambiguïtés de la relation d’aide, p. 193-211.
Fatien P. et Nizet J. (2012), Le coaching dans les organisations, Repères, La Découverte.
Garfinkel H. (1967), Studies in Ethnomethodology Englewood Cliffs, NJ, Prentice Hall.
Gaulejac V. D. (1993), La sociologie et le vécu, in V. d. Gaulejac et S. Roy (ed.),
Sociologies cliniques, Marseille, Hommes et perspectives Epi, p.314-325.
Goffman E. (1959), The Presentation of Self in Every Day life garden City, NY, Doubleday.
Grey C. (2008), « Critical Management Education», in S. Clegg & J. R. Bailey (Eds.), International Encyclopedia of Organization Studies, Vol.1, Los Angeles: Sage, p. 316-320.
Grimand A. (2006). L’appropriation des outils de gestion, vers de nouvelles perspectives théoriques ?, Publications de l’Université de Saint-Etienne, Saint-Etienne.
Hall E. T. (1978, 1966),La dimension cachée, Seuil, Paris.
Hall E. T. (1971, 1958),Le Langage silencieux,Seuil, Paris.
Hicks M. D., Peterson D. (1999),«Leaders coaching across borders», in W. H. Mobley, M. J. Gessner& V. J. Arnold (Eds.), Advances in global leadership, vol. 1, Stamford, CT: JAI Press, pp. 295-314.
Hofstede G. (1991),Cultures and Organizations: Software of the Mind, Mac-Graw Hill, Maidenhead.
Jaillon D. (2011), Le coaching socianalytique, AG AFAPP, 15 octobre 2011, consulté le 13 février 2013, www.groupecapp-coaching.fr.
Kampa-Kokesch S., Anderson M. Z. (2001), «Executive coaching: A comprehensive review of the literature», Consulting Psychology Journal : Practice and Research, vol. 53, n°4, p. 205-228.
Lamy F., Moral M. (2011),Les outils du coach – Bien les choisir, bien les organiser. InterEditions, Paris.
Livian Y-F. (2004), Management comparé, Economica, Paris.
Lourau, R. (1970), L’analyse institutionnelle, Editions de Minuit.
Nangalia L. et Nangalia A. (2010), « The coach in asian society: impact of social hierarchy on the social relationships», International Journal of Evidence Based Coaching & Mentoring, p. 51-66.
Nonaka I, Takeuchi H. (1995),The knowledge-creating company, Oxford, New York.
Peterson D. (2007), «Executive coaching in a cross-cultural context », Consulting Psychology Journal: Practice and Research, vol. 59, n°4, p. 261-271.
Rabasso C., Rabasso F.J. (2007),Introduction au management interculturel, Ellipses, Paris.
Rosinski P. (2003),Le coaching interculturel, traduit de l’anglais par Sophie Brun, Dunod, Paris.
Rosinski P. (2008),«Fostering individual and collective development using the cultural orientation frameworkassessment» in M. Moral, G. Abbott,The Routledge Companion to International Business Coaching,London : Routledge, p. 145-162.
Sartre J-P, (1946), L’existentialisme est un humanisme, Folios Essai.
Segers J., Vloeberghs D., Henderickx E., Inceoglue I. (2011), Structuring and understanding the coaching industry: The coaching cube, Academy of Management Learning and Education, vol. 10, n2, p. 204-221.
Trompenaars F., Hampden-Turner C. (2004),L’entreprise multiculturelle, Maxima, édition augmentée, Paris.
Verhulst M. et Sprengel R. (2008), Intercultural coaching tools, a constructivist approach, in Moral, M. et Abbott G. (2008),The Routledge Companion to International Business Coaching. London : Routledge, 163-177
Witherspoon R., White R. (1996), « Executive coaching. A continuum of roles », Consulting Psychology Journal : Practice and Research, n°48